GRUESOME


Regurgitated Guts...




En un album, Savage Land, sorti en 2015, les Américains de Gruesome ont été proclamés « tribute-band » à Death numéro 1. Matt Harvey, qui n’est pas un inconnu car il est aussi le leader d’Exhumed, est l’instigateur de ce projet qui n’a qu’un but, maintenir vivant l’esprit de la musique du regretté Chuck Schuldiner. Cette fois-ci, avec le EP Dimensions Of Horror, c’est l’album Scream Bloody Gore qui sert de matrice. Alors, Matt, Gruesome, un simple « follower » ?


Interview parue également dans le Metallian 95 de Mars 2016
(en version éditée)


Entretien avec Matt Harvey (guitares, vocaux) par Will Of Death
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Hello Matt ! Franchement, tu t’attendais à ce que votre album Savage Land, sorti en 2015, rencontre un tel succès ?
Pas autant, pour être honnête. Je vois cet album plus comme un hommage élaboré, destiné aux fans « old school » « hardcore », et en particulier ceux de Death. Il semble néanmoins que nous avons mésestimé le nombre de personnes que nous pouvions toucher (Rires !). 

D’ailleurs, comment expliques-tu que des groupes comme Gruesome, Cannabis Corpse, ou encore Undead Prophecies (ex-Undead, en Europe), rencontrent un tel succès, alors que finalement, ils ne font que reprendre des recettes déjà éprouvées par le passé ?
Je pense que dans cette scène, où le genre est né il y a quarante-sept ans, avec la sortie du premier Black Sabbath, il y a un fort sentiment de nostalgie. Un groupe comme Cannabis Corpse a évolué pour proposer des choses plus personnelles aujourd’hui, mais vraiment, je pense que les gens ont l’impression que les périodes les plus créatives sont toujours derrière eux. J’avoue être aussi de ceux-là. D’ailleurs, c’est valable dans la société en général. Je ne peux pas le voir, mais un gars comme Donald Trump joue sur ce message aussi, quand il dit « Rendons sa splendeur d’antan à l’Amérique ». Ce type de slogan fait mouche auprès de nombreuses personnes. L’idée que « c’était mieux avant » prévaut dans tous les pays occidentaux, sauf que ça peut être dangereux en politique, car les gens se renferment. Finalement, on a la même impression avec le death « old school », que rien de mieux n’a été fait depuis les albums pionniers.

J’ai vu quelque part que Terry Butler était monté sur scène avec vous… Comment ça s’est passé ?
Terry nous a rejoints sur scène au Full Terror Assault Festival, pour jouer avec nous une reprise de Death, « Born Dead », ce qui fut un réel honneur, et une tuerie. Terry est un des gars les plus sympas dans le metal et il nous a toujours soutenus, ce qui représente beaucoup pour nous.

Quel est votre but en sortant ce nouvel EP ?
Simplement et humblement rendre hommage à un de mes groupes favoris, Death, et en particulier son premier album, Scream Bloody Gore. Ni plus, ni moins.

Les six titres sont séparés en deux faces, une face « Death », et une face « Metal »… Il y a des différences particulières au niveau du style des titres, ou c’était juste des appellations cool ?
C’était pour faire comme sur les vieux albums d’Exciter, où ils mettaient une face « Heavy » et une face « Metal ». Nous, nous avons mis « Death » et « Metal », et c’est on ne peut plus clair, comme ça (Rires !).

Comment Daniel et Gus (guitariste et batteur de la formation) s’y sont-ils pris pour réussir à recréer ce son typique des années ’80 ?
Eh bien, déjà, on s’est servi d’amplis Marshall, et spécialement de JCM 900 qui étaient en vogue à la fin des années ’80. Ensuite, nous sommes restés très peu en studio, histoire de garder de la spontanéité, et de ne pas passer trop de temps à polir notre son, à vouloir à ce que ce soit absolument parfait. On ne voulait pas sonner moderne, c’est tout. Néanmoins, nous voulions quand même proposer un travail de qualité, mais sans en faire des tonnes. Nous avons mis aussi de la réverb’ un peu partout, un des éléments-clés du son des années ’80.  

GRUESOME

Matt, tu fais partie d’Exhumed, qui pour moi, a été à une époque le meilleur palliatif à l’absence de Carcass, tu fais maintenant partie de Gruesome, qui n’est autre qu’un « tribute-band » à Death… Déjà, comment expliques-tu ce parcours, et deuxièmement, que réponds-tu aux gens qui pourraient dire que tu es incapable de composer des titres vraiment originaux ?
Carcass est une des influences d’Exhumed, mais pas la seule. Les gens qui pensent qu’Exhumed est un clone de Carcass, je les encourage à écouter un peu mieux nos albums, et ils verront qu’ils trouveront d’autres influences comme Napalm Death, Terrorizer, Entombed, Repulsion, Razor, Kreator, Sodom, ou encore Possessed et Death.
Gruesome est en effet un peu différent, car dès le départ, nous voulions sonner exactement comme Death. C’est vraiment un « tribute band », qui compose des chansons originales, ce qui est un peu bizarre si on y réfléchit bien, très « post-modern » dans l’esprit, en tout cas bien marrant à faire… Le but est de faire perdurer au 21ème siècle le son de Death.  
Exhumed est bien plus une représentation de tout ce qui me plait dans le metal extrême, du death, du grind, du thrash… Après, si les gens pensent que je ne suis pas original, tant pis pour eux, j’écris d’abord pour me faire plaisir. Metallica et Led Zeppelin, qui font aussi partie de mes groupes favoris, ont été copiés par plein de monde, je trouve ça normal.  

Quelle est justement la difficulté à composer des titres qui ressemblent énormément à Death, sans toutefois tomber dans le plagiat pur et simple ?
Il y a des difficultés çà et là, mais je dirais que Gus est excellent pour proposer des parties de batterie qui sonnent comme Death, mais qui ne sont pas exactement les mêmes. Chuck avait une manière de « riffer » bien à lui, et comme j’ai appris à jouer de la guitare quand j’étais ado en reprenant Scream Bloody Gore, Leprosy et Spiritual Healing, cette manière de jouer est devenue naturelle pour moi, ça coule dans mes veines. Ça fait quand même plus de vingt ans que je joue du death metal, c’est vraiment devenu une deuxième nature.

Que représentent les premiers albums de Death pour toi ?
Personnellement, Scream Bloody Gore et Leprosy représentent mes portes d’entrée dans le metal extrême. Il y en a eu d’autres, comme Pleasure To Kill (Kreator) ou Morbid Tales (Celtic Frost), mais c’est vraiment Death qui a eu le plus d’impact sur moi. Rien que ce logo, avec ces petits détails morbides, je l’adore, et je trouve qu’un titre comme « Regurgitated Guts » est juste parfait pour le style, c’est marrant…  

En quoi résidait le génie de Chuck Schuldiner, selon toi ?
Je n’en sais rien, mon pote. Le mot « génie » est quand même fort. Chuck avait une manière de jouer ses riffs, reconnaissable depuis Scream Bloody Gore, jusqu’à son dernier album, The Sound Of Perseverance, ce qui est très impressionnant. Une sorte de signature continue. Je pense qu’il fait partie des plus grands compositeurs du metal de tous les temps, au même titre qu’un James Hetfield, Jeff Hanneman, Mille Petrozza ou encore Tom G. Warrior. Il est un de ceux qui a eu le plus d’impact en tant que musicien, et ça me suffit. Labelliser les gens en tant que « génie » ou « légende » est une chose un peu étrange pour moi, je ne comprends pas trop quels sont les critères pour en arriver là. Est-ce bien nécessaire pour apprécier un artiste ? 

Que penses-tu de la réédition récente par Relapse de Scream Bloody Gore, remasterisé par Alan Douches ?
Je ne l’ai pas encore écoutée, j’attends que Relapse m’en envoie une copie. Je suis très impatient car cette réédition contient des titres totalement inédits de Death. On croyait qu’il n’y avait plus rien d’inédit en stock de cette époque, et visiblement, on s’était trompé…

Beaucoup de fans sont ravis par toutes ces rééditions bourrées d’inédits et de démos, mais certains dénoncent aussi une manœuvre bassement mercantile de la part de la famille de Chuck, alors qu’au départ, ils étaient opposés à toute réédition… Qu’en penses-tu ?
La famille de Chuck reçoit évidemment de l’argent pour ça, mais au moins, en faisant ça, ils sont sûrs qu’ils ne se feront pas voler la propriété des bandes d’époque. Ils voient aussi que le travail de Chuck représente énormément pour beaucoup de personnes, et je pense que ça doit leur faire du bien. Personnellement, je m’en fous royalement, car c’est ainsi que le business fonctionne. Jimi Hendrix a certainement sorti plus d’albums à l’état de cadavre que de son vivant, je pense que ce sera pareil pour Chuck. C’est une manière de voir le marketing.   

Le fait que Daniel ait fait partie de Possessed me fait penser à une question… Il est évident que Chuck a beaucoup été influencé par Possessed, à l’époque. Alors, selon toi, qui est le créateur du death metal ? Death ou Possessed ? La question divise encore certains fans old school aujourd’hui…
Sans aucune hésitation Possessed. Aucun doute dans mon esprit ! Ils ont sorti en 1984 une démo intitulée Death Metal, avec un titre du même nom. Fin du débat ! L’idée que Chuck ait inventé le death metal a toujours été un moyen, une mode, pour vendre plus d’albums. 

Quel va être le futur du groupe ?
On vient en Europe pour quelques festivals cet été, ce qui va être bien cool, et nous avons aussi quelques dates en Amérique de calées. Et bien sûr, nous composons un nouvel album qui ne devrait pas tarder. Merci pour votre soutien et pour vous joindre à nous pour rendre hommage à Death et à Chuck. Le death metal ne mourra jamais !!!
  

GRUESOME – Dimensions Of Horror
Replica Records


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