Interview VADER Nov. 2016

Votre nouvel album s'inscrit de nouveau dans un contexte actuel de guerres et de crises violentes dans le Monde. Trouve-t-on de nouvelles facettes de ces thèmes typiques de tes albums dans The Empire ?
J'essaie toujours d'évoquer des choses connues du passé, mais qui sont en fait oubliées par les nouvelles générations. La plupart des personnes qui ont connu ces horreurs, et qui pourraient empêcher que ça recommence, sont mortes et les gens du 21ème siècle n'ont qu'une vague idée de ces concepts. Même les livres, les films ou les vidéos ne pourront jamais réellement rendre compte de la réalité d'un conflit militaire. Les outils de la guerre changent, deviennent de plus en plus sophistiqués et mortels, mais le facteur numéro un est toujours le même, ce sont nous, les humains. On dirait que nous ne voulons tirer aucune leçon du passé et nous continuons à suivre bêtement des despotes ou des personnes stupides, incluant les politiciens ou les leaders politiques. Et oui, on continue d'appeler ces gens des “leaders”, alors que leur seul but est de s'en mettre toujours plus dans les poches, de s'emparer de nos maisons, de nos fils ou de nos vies. Le nouvel album n'est qu'un moyen de rappeler tout ça aux gens : nous racontons des histoires, nous livrons des impressions ou des pensées mais nous ne jugeons pas, et ne poussons personne à agir dans un sens ou dans l'autre. Nous espérons qu'il y a toujours des gens raisonnables sur cette planète !

Tu parles de conspirations, par exemple ?
Oh non, ce n'est pas mon propos. Je ne me focalise pas sur des histoires inventées qui pourraient finir par devenir de la propagande. Non, je donne des images et des sentiments à propos desquels il faut réfléchir. Je me demande souvent s'il faut éduquer les gens dans la non-violence, ou au contraire mettre des baffes, pour que les gens finissent par ne pas rééditer les erreurs du passé !

Quand on voit la pochette de l'album, on ne peut s'empêcher de penser que tu fais référence à la série Games Of Throne… Qu'en est-il ?
Un peu. Les films, les séries, les jeux vidéos sont devenus des choses primordiales pour les jeunes générations, au point que certains ne vivent même plus dans la réalité. Essaie d'imaginer une semaine sans jeux, télévision ou smartphone… Cette pochette peut faire référence à Games Of Throne, mais aussi à Star Wars ou Walking Dead. Toutes ces séries sont probablement au top du business, mais pourquoi sont-elles aussi populaires ? Tout simplement parce qu'elles parlent des pires aspects de l'humanité, tout en parlant de beauté et de sexe. Il n'y a aucune place pour l'imagination, la réflexion et encore moins l'éducation. C'est tout !

The Empire est un des albums de Vader qui sonne le mieux. Qu'as-tu cherché à encore améliorer, cette fois-ci ?
Nous (les membres du groupe et les frères Wieslawski) nous connaissons maintenant par coeur, après plusieurs albums enregistrés au Studio Hertz. Le studio s'améliore et se modernise toujours, sans perdre la nature de la musique elle-même. Nous avons changé deux choses, cette fois-ci. Il y a eu un minimum de travail digital au moment de l'enregistrement, c'est-à-dire qu'on a évité les copier/coller de parties semblables. Certes, c'est plus rapide et facile mais ça fait perdre l'originalité de la musique. J'ai énormément écouté de vieux albums, qui m'ont impressionné quand j'étais jeune, car la musique était jouée avec émotion et précision. J'ai travaillé dans ce sens cette fois-ci, tout en bénéficiant de la technologie d'enregistrement du studio. Je ne me suis pas posé la question de savoir comment un album de death metal doit sonner aujourd'hui, ma priorité a été de me demander comment devait sonner un album de Vader ! Tous les instruments sont clairement définis, tout comme mes vocaux. La basse n'est pas ici qu'une “guitare accordée plus bas”, il y a des parties distinctes qui jouent un grand rôle. Il n'y a aucune révolution évidemment, mais un autre point important est le jeu de batterie de Jimmy. Il a tellement progressé depuis l'enregistrement précédent ! Il a apporté énormément à notre son. L'intensité et la brutalité de The Empire sont essentiellement basées sur son jeu, et nous avons apporté les éléments typiques de Vader au travers des riffs et de la construction des titres.

Il me semble que les vocaux sont aussi un peu plus en avant, on entend même des choeurs parfois. Etait-ce une volonté de ta part d'insister là-dessus en studio ?
Oui, absolument ! Je ne m'étais jamais trop occupé de ça auparavant. La manière dont ils sonnaient dépendaient essentiellement de mon état d'esprit du moment ou de mon état de forme. Sauf que depuis Tibi Et Igni, je pense ma voix en tant qu'instrument et vecteur de paroles. Les paroles ont toujours eu de l'importance, mais en live, je voulais juste être le plus brutal possible. La guitare a toujours été plus importante pour moi. Sauf que gueuler dans un micro depuis tant d'années a pas mal détruit mes cordes vocales, donc aujourd'hui, je module un peu plus mes vocaux, que ce soit en live ou en studio.

As-tu aussi planifié le fait que les chansons soient aussi courtes ?
Non, Je ne planifie jamais la longueur d'un titre. C'est naturel, je pense. Les chansons lentes sont un peu plus longues en général. C'est l'intensité du titre qui décide de sa longueur, en fait. Il y a tant de chansons longues qui m'ennuient au final, je préfère largement le style “Blitzkrieg” dans le metal (Rires !).

Cet album est certainement un des plus heavy de votre discographie, à l'instar des titres “Iron Reign” ou “Send Me Back To Hell”, pour ne nommer que ceux-là. C'est dû à des changements dans la manière de composer ?
Non, pas vraiment, même si James a un peu plus bossé seul sur les arrangements à la batterie. C'est toujours moi qui ai composé et enregistré la basse. The Empire a été enregistré de la même manière que Litany ou Morbid Reich mais avec une meilleure coopération entre les musiciens. La patte de Spider et James est plus présente aussi.

Dans “No Gravity”, tu parles d'une fosse. Qu'entends-tu par là ?
Je veux dire “mosh pit” évidemment ! Toutes les chansons ne parlent pas que de sujets graves ou sérieux et ce titre en est un exemple. Au lieu de parler de pit, tu peux aussi dire “fosse de l'Enfer”, “abysse” ou “vide cosmique”. C'est ce que je ressens parfois en live, en tant que musicien sur scène, ou tout simplement fan de metal. Lisez les paroles et maintenant que vous connaissez ma perspective, vous verrez que je parle des cinglés qui se poussent, gueulent ou sautent dans les mosh pits. “No Gravity” leur est dédicacée !

Et “Genocidius”, y a-t-il aussi un sens fantaisiste ?
Tu trouves qu'un génocide, c'est de la fantaisie, toi ? Moins de goulags ou de camps de concentration visibles ne veut pas dire qu'il n'y en a plus sur cette planète. Aujourd'hui ! Cette chanson est spéciale pour plusieurs raisons. Premièrement, c'est un avertissement sans fin pour l'humanité depuis que nous maîtrisons l'arme nucléaire. Ce thème revient régulièrement comme un boomerang, et avec la Corée du Nord, par exemple, en ce moment, c'est une réalité. Deuxièmement, ce titre est spécial car la mélodie est directement reliée au travail exceptionnel de John Williams. C'est un de mes compositeurs préférés, qui est mort il n'y a pas très longtemps. Ces quelques lignes mixées avec l'intensité de Vader est une sorte de tribute à ce grand homme. Ça fait de “Genocidius” le premier (et certainement le dernier) titre de Vader directement connecté à Star Wars… et Dark Vador (NDLR : Darth Vader en Anglais) lui-même...

Suis-tu l'actualité de ces derniers mois, en particulier ce qui concerne la guerre en Syrie ?
Les drones, les robots, les rockets, les balles intelligentes, etc. Ce ne sont que des outils. Derrière, il y a toujours un homme. Sauf que c'est encore plus pernicieux et brutal qu'avant, où les hommes se battaient en face à face. Les nouveaux champs de bataille ressemblent à des jeux vidéo, avec des armes pilotées par Internet ou des satellites. Ce problème est un des thèmes qui m'a inspiré le titre The Empire, pour cet album. Regarde, combien de soldats, qui ont vécu la guerre dans sa brutalité (qui est peut-être, par certains aspects, loin de ce qu'ont connu nos grands-parents), ont des problèmes quand ils rentrent chez eux ? Il y a même un nom pour ça, le “trouble de stress post-traumatique”. Quelques mois en Irak suffisent à faire d'un jeune soldat un homme tremblant, totalement ruiné. Comment comparer ça avec ce qu'ont vécu par le passé les hommes dans les tranchées de Verdun ou durant les longs mois d'hiver en Russie ? Pourquoi recommençons-nous à chaque fois à jouer ce “jeu”, alors que nous sommes sûrs de na pas y arriver ? Tu vois ce que je veux dire ?

En quoi la musique de Vader peut-elle donc affecter les fans dans leurs vies ?
Nous ne sommes qu'un groupe qui joue du metal. On veut juste que les gens se sentent bien après avoir écouté nos disques. Il y a bien assez de politiciens, de célébrités télévisuelles ou de leaders religieux comme ça, qui nous affectent. On préfère que nos fans les oublient le temps de l'écoute de l'album !

Les gens ne le savent peut-être pas, mais certaines paroles de tes disques sont écrites par Harry Maat. Même là, on peut parler de “marché” pour l'écriture de textes ?
Je n'en sais rien, tu devrais poser la question à Harry. Puisque tout est devenu aujourd'hui un business, pourquoi n'y aurait-il pas aussi un marché pour l'écriture des paroles ? Même Mozart composait sur demande ! Je lance les idées mais Harry est meilleur que moi pour écrire les paroles, donc je le paie pour ça. Je ne vois pas où est le problème.

Il y a eu énormement de musiciens qui sont passés dans Vader. Consdères-tu le line-up actuel comme le line-up ultime du groupe ?
C'est tout ce que j'espère ! En tout cas, c'est le line-up le plus stable de l'histoire du groupe. Ça fait cinq ans que nous bossons ensemble et ce n'était jamais arrivé auparavant. Je suis content car nous avançons plus vite, et bien. Vader fait actuellement la promo du troisième album avec Peter, Spider, James et Hal. J'espère que nous en ferons bien d'autres sous cette forme.

Vader est là depuis plus de trente ans. Y a-t-il encore quelque chose que tu veuilles absolument accomplir ?
Y a-t-il quelque chose de plus important que le respect des fans ou le fait d'exister depuis plus de trente ans en tant que groupe de metal extrême ? Avons-nous réellement besoin d'être aussi gros que Metallica pour nous sentir plus importants ? Je ne crois pas. Merci d'ailleurs à tous nos fans Français, et à toi qui nous suis depuis un bail, pour votre support indéfectible depuis toutes ces années !

VADER - The Empire
Nuclear Blast Records

Site : www.vader.pl

Facebook : www.facebook.com/vader

L'Empire contre-attaque ! Dans le microcosme death metal, un album de Vader est toujours très attendu. Voilà plus de trente ans que les Polonais foulent les planches, et connaissant son leader, ce n'est pas prêt de s'arrêter, d’autant que les derniers albums du groupe ont été convaincants. Or, le discours de Piotr Wiwczarek, son leader, ainsi que certains titres de chansons ou d’albums, ont parfois été ambigus. Nous avons donc voulu aller un peu plus loin dans la réflexion avec lui, notamment sur le thème de la guerre, pour en arriver à la conclusion que le guitariste chanteur avait beaucoup plus de choses à dire qu’il n’y paraissait… Interview parue également dans le Metallian 98 de Novembre 2016 (complète ici)
Entretien avec Piotr Wiwczarek (guitares, vocaux), par Will Of Death
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